Sourions un peu... Déjà, en 14, la concurrence "déloyale" de l'école de la rue...

 

"Cette anecdote, c'est toute notre France de 1914, avec son école admirable et sa société qui l'est moins..."

 

 

CONTESTATION (Pré-), - Retrouvé une vieille coupure du journal "Le Matin", de 1914. On en savourera l'anecdote et le style (qui rappelle celui de La dernière classe d'Alphonse Daudet :)

 

LA CONTRE-ÉDUCATION PLUS FORTE QUE L’ÉCOLE

 

Sous ce titre, M. M.-G. Rossignol, Inspecteur d'académie de l'Indre, raconte, dans le "Manuel général de l'instruction primaire", journal hebdomadaire des instituteurs et des institutrices, une visite de Mme l'inspectrice générale à une école maternelle.

"D'une voix affectueuse, caressante, qui veut mettre tout le monde à l'aise et en belle humeur, Mme l'inspectrice s'informe de la leçon du jour.

Justement on a parlé hier de la politesse et des nombreuses occasions où il faut savoir dire : Merci.

Dans le profond silence, Mme l'inspectrice, qui veut s'assurer que la leçon de la veille fut bien comprise, pose une question :

- Voyons, mes enfants : votre maman vous a réveillés ce matin. Elle vous a nettoyés, habillés, fait déjeuner ; elle vous a mis aux cheveux un joli ruban, et vous allez partir pour l'école. Eh bien, avant de la quitter, en l'embrassant bien fort, pour lui montrer que vous êtes contents de tout ce qu'elle a fait pour vous, que lui dites-vous ?

Évidemment, c'est là une question difficile. Songez donc, on a six ans, quatre ans ou même deux ans. On ne sait pas encore répondre. Et puis on est intimidé... Bref sur toute la ligne, c'est le silence !...

Mme l'inspectrice reprend, vient au secours :

 - Voyons, mes enfants, ne vous troublez pas, réfléchissez. Pour remercier votre maman, vous lui dites : Mer...
Voyons, un tout petit mot de cinq lettres, celui sûrement que vous entendez dire souvent autour de vous... Mer...

Alors, tout d'un coup, sur la trace de deux ou trois garçons plus délurés qui se rappellent le mot que leur grand frère dit en effet plus de vingt fois par jour, à pleine volée, toute la classe, dans une de ces réponses collectives qui font la "classe vivante", lance le mot... que vous devinez et qui commence bien par les mêmes lettres que le mot : merci, mais qui ne finit pas de même.

Je ne vous dirai point la "tête" de Mme l'institutrice, le désarroi de la pauvre maîtresse. Je vous dirai seulement que Mme l'inspectrice générale avait complétement cessé de se réjouir dans son cœur.

Et nous aussi.

Car cette anecdote, c'est toute notre France de 1914, avec son école admirable et sa société qui l'est moins. Nous enseignons la morale, le devoir, la sobriété, la pudeur, la politesse aux écoliers. La société leur enseigne tout le contraire. Pendant que nous leur apprenons le mot : merci, la contre-éducation leur apprend... le mot que vous savez."

Touchant !

 


 

À ce propos nous revient une histoire scolaire d'un tout autre style, et beaucoup plus récente, puisque cela se passait en mai 1968 (oui, en pleine période de contestation) dans une école primaire de la banlieue parisienne.

C'est une classe d'enfants de 8 à 10 ans. La jeune institutrice suppléante vient d'entrer. Aus­sitôt un môme se lève et demande : Mademoiselle, est-ce que nous pouvons repartir chez nous, puisque c'est la grève ?

- Non mes enfants, dit-elle.

Alors toute la classe se dresse comme un seul, et crie sur l'air des lampions :

- Aux chiottes les jaunes !

 

 

© Extrait du dictionnaire Canard, numéro spécial du "Canard enchaîné", janvier 1969.

 

 


 

 

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