Véritablement émouvante, cette sincère admiration pour notre "Poupou" national...

 

Cher Raymond Poulidor,

 

Raymond, nous avons à peu près le même âge, je suis de septembre 1935 et vous, je crois, d'avril 1936, environ six mois nous séparent.

 

 

Vous venez de mettre un terme à votre longue carrière de coureur cycliste, et j'ai un peu de regret de ne plus vous compter parmi les partants des grandes épreuves nationales et internationales. Depuis mon jeune âge, j'accorde beaucoup d'intérêt au cyclisme, j'ai suivi par les journaux, la radio, puis la télévision, les exploits de Vietto, Robic, Bartali, Coppi, Bobet, Marinelli, Kubler, Rivière, Anquetil, Raymond Poulidor, Merckx ...

Je suis Charentais, permettez-moi donc de rappeler votre belle victoire dans Bordeaux-Saintes, une victoire qui fut votre rampe de lancement vers les plus hauts sommets. Ma déception pour ce qui concerne vos résultats sont ceux obtenus dans le Tour de France.

J'aurais tant aimé que vous portiez le maillot jaune, ce maillot jaune qui s'est toujours refusé à vous, alors que vous avez mis toute votre énergie pour le conquérir.

Peut-être auriez-vous pu gagner le Tour de France, l'année où vous avez aidé Roger Pingeon. Vous êtes sorti grandi de cette abnégation. Je revois également ce Tour de France, l'année où Anquetil et vous étiez séparés lors de la dernière étape : Versailles - Paris (contre la montre) par quelques secondes.

J'étais, cette année là, à Paris, sur le bord de la route, et malgré l'admiration que j'ai pour Anquetil, j'aurais aimé que vous puissiez le détrôner de la première place pour revêtir le maillot jaune. Vous avez donné le meilleur de vous-même, vous vous êtes incliné avec les honneurs.

En 1976, j'étais en vacances dans les Alpes, le Tour de France franchissait le col de l'Izoard, j'étais dans ce col pour assister au passage des coureurs. J'ai eu l'honneur de pouvoir bavarder un peu avec Anquetil, qui suivait le Tour dans une voiture d'Europe nº 1, et s'était arrêté à mes côtés.

Je lui ai demandé : "ça ne vous fait pas quelque chose de voir encore Raymond Poulidor dans le peloton ?" il m'a répondu : "ce que fait Raymond est formidable, mais je pense qu'il devrait avoir la sagesse d'arrêter sa carrière. En tout cas, me dit-il, ce n'est pas très réjouissant pour les jeunes qui sont derrière".

Il m'a semblé percevoir ses propos une sorte d'appréhension, peut-être de vous voir à l'arrière de la course, désemparé, alors que aviez combattu tous les deux coudes à coude à l'avant.

Pourtant vous êtes passé devant nous avec le peloton des meilleurs, et j'en fus ravi...

 

Pierre B. (17440 Aytre. Courrier des lecteurs, Cyclisme Magazine, décembre 1977).